« ET MOI JE VIS TOUJOURS » de Jean d’Ormesson de l’Académie Française : INOUBLIABLE!!!*
En décembre dernier Jean Bruno Wladimir de Paule Lefèvre d’Ormesson nous quittait : le vide abyssal de son absence résonne encore dans toutes nos têtes.
Je dois le confesser à plus de cinquante ans je n’avais jamais lu de livre de Jean d’Ormesson de l’Académie Française. A-t-on raté sa vie pour autant ?
La réponse est sans appel : indubitablement, le dernier livre de Jeandormessondelacadémiefrançaise : « Et moi je vis toujours » est une révélation. On n’est plus la même personne en refermant ce pur chef d’œuvre, ma vie passée m’apparaît maintenant comme un plat de coquillettes dépourvu de sel, et sans beurre.
Le narrateur n’est rien d’autre que « l’histoire de l’humanité » s’incarnant en des personnages proches de ceux qui ont fait l’histoire avec un grand H, et souvent à coup de hache. De la nuit des temps jusqu’à nos jours on accompagne tous les grands de ce monde : on se retrouve aux côtés des conquérants des philosophes, mais aussi des artistes, des scientifiques et des religieux. C’est un extraordinaire inventaire de l’érudition de Jean d ‘O de l’Acad. Son savoir dans tous les domaines est prodigieux, on ne peut être qu’époustouflé devant cet Everest de la Culture. Il sait nous passionner pour les plus grandes conquêtes, aucune théorie, pas une œuvre écrite peinte ou jouée n’a de secret pour lui. Chaque personnage est abordé avec une grande bienveillance et on est émerveillé par l’indulgence de l’auteur pour les pires massacreurs (pour peu qu’ils soient ouverts à la culture). Bien sur le récit est agrémenté de nombreuses anecdotes fondamentales: les coucheries de Napoléon, Racine qui fauche la maîtresse de Molière… Les citations sont toujours truculentes et édifiantes, pour exemple celle de Mme du Deffand au président Hénault : « -Ah ! Il n’est bon cheval qui ne bronche… -un cheval je veux bien, coupe Mme du Deffand, mais toute une écurie ! ».
Dans cette œuvre magistrale chaque phrase, chaque mot, la moindre virgule et le plus simple accent circonflexe sont posés tels des touches de couleur sur un tableau de maître Flamand. Le rythme est alerte, ainsi il peut faire défiler les événements en énumérant une quinzaine de personnages sans que jamais cela ne soit « relou », et recommencer à la page suivante, ainsi que celle d’après.
Il faut aussi reconnaître à Jean d’Or un humour, pardonnez l’expression, « à se pisser dessus » : j’en veux pour preuve, par exemple, le titre du trente huitième chapitre « Seul Dieu peut être… » Trop bon (j’en ai encore le slip humide.)
On éprouve la délicieuse impression, en lisant ce livre, de faire salon, confortablement assis dans un Voltaire à l’heure du digestif, le tournedos Rossini bien calé au fond de l’estomac, la fine Napoléon à portée de main, nimbé des volutes chaudes du Monte Cristo. On écoute avec ravissement et somnolence l’Achille Talon de la littérature Française nous faire l’inventaire de sa très haute culture.
Petit bémol toutefois : on peut regretter que lorsque l’auteur dithyrambique aborde le vingtième siècle il omette Ginette Mathiot et ne cite pas une fois Stéphanie de Monaco. Jean Dodo serait-il passé à côté de son époque ?
Malgré ces lacunes, ce livre est indispensable à tout jeune gentilhomme désireux d’entrer dans le Monde et sera d’un grand secours pour caler un meuble bancal.
PS : aux antipodes de ce livre, on peut lire « La naine » de Pierre Magnan. « Tous les protagonistes de ce roman ont emprunté les traits physiques de personnages qui ont existé. Ces êtres étaient les meilleurs gens du monde, absolument dénués de passion de méchanceté, comme d’imagination. Il ne leur est rien arrivé d’autre que de naître, prendre le soleil et mourir »
Engheirand Marchepied de Bassefosse
*Malheureusement
POISSON D’AVRIL!!!